Poitiers
mardi 13 décembre 2022

Revenir aux fondamentaux : le principe de bienfaisance

Sources de l'éthique N°16

Qui a dit ? « La bienfaisance se réfère à toute action accomplie pour le bien d’autrui. La bienveillance se réfère au trait de caractère ou à la vertu qui consiste à être disposé à agir pour le bien d’autrui. Le principe de bienfaisance se réfère à l’obligation morale d’agir pour le bien d’autrui ».

 

C’est ainsi que Beauchamp et Childress [1] ont défini le concept de bienfaisance qui soulignait par ailleurs : « Promouvoir le bien-être des patients… est le but, la raison d’être et la justification de la médecine », comme de toutes les professions de santé. Le principe de bienfaisance est un principe téléologique, c’est-à-dire fondé sur le but à atteindre, la visée. Or, si le bienfait désigne le bien que l’on fait à quelqu’un et même ce qui est bénéfice pour quelqu’un (l’ancien français disait plutôt d’ailleurs bénéficience), le principe de bienfaisance ne peut être enfermé dans la seule intention dont il procède et qui peut être la bienveillance mais aussi le souci de remplir au mieux sa mission de soignant. Le principe de bienfaisance est en fait tout autant lié à la compétence technique du médecin (comme de tout professionnel de santé) qu’aux sentiments qui l’animent. La bienfaisance est liée au savoir, au savoir-faire et au savoir-être du médecin qui saura proposer un traitement adapté, qui saura déployer les examens complémentaires les plus judicieux, et qui saura informer le patient avec tact. Le principe de bienfaisance doit donc quitter le champ de la pure philanthropie pour inclure le champ de la compétence et de la pertinence des choix offerts aux malades.

Cependant le principe de bienfaisance introduit une dissymétrie entre le soignant et le soigné, le savant et l’ignorant qui devrait pouvoir se contenter de suivre les prescriptions puisqu’elles émanent d’une autorité qui vise le bien et qui sait comment y parvenir. Si l’adhésion du malade est nécessaire, l’information peut sembler secondaire. Et c’est alors que le principe de bienfaisance dérive vers le paternalisme qui est un mélange d’autorité et d’amour. Le paternalisme peut donc aller jusqu’à passer outre aux préférences du malade, voire les tourner en dérision en justifiant ce comportement « en affirmant que l’on agit pour le bien de la personne et pour lui éviter tout tort [2] ». La question du paternalisme est aussi de savoir « sous quelles conditions nous pouvons et devrions protéger les autres quand ce sont eux-mêmes qui se font du tort [3] ». Le principe de bienfaisance normative fait du médecin le dépositaire du modèle du Bien assigné au projet de prise en charge sur le plan diagnostique, thérapeutique ou rééducatif [4]. Le principe de bienfaisance entre alors en conflit avec le principe d’autonomie, issu du siècle des Lumières, et qui édicte que tout être humain doit pouvoir obéir à sa propre loi : la personne malade doit pouvoir refuser ou consentir aux soins proposés, de manière « libre, expresse et éclairée », après avoir reçu du médecin une « information claire, loyale appropriée ». L’affirmation du principe d’autonomie est apparue d’autant plus nécessaire qu’il est la déclinaison de la liberté qui est l’une des valeurs fondatrices de la citoyenneté et qui est ainsi étendue aux malades qui demeurent des citoyens devenus vulnérables. La législation depuis 2002 a consacré le primat du principe d’autonomie par la loi relative aux droits des malades [5], étendue ensuite aux malades en fin de vie [6] par les lois de 2005 et de 2016.

Les exercices de discernement éthique dans les situations complexes doivent fréquemment repérer les tensions entre les principes de bienfaisance et d’autonomie.

©Roger Gil : Aux sources de l’éthique n°16, Revenir aux fondamentaux : le principe de bienfaisance, décembre 2022.

[1] Tom L. Beauchamp et James F. Childress, Les principes de l’éthique biomédicale, trad. par Martine Fisbach (Paris: Les Belles Lettres, 2008).
[2] Beauchamp et Childress.
[3] Beauchamp et Childress.
[4] R. Gil, « Médecine physique et de réadaptation : entre bienfaisance normative et éthique de la compréhension », Éthique & Santé 19, no 2 (1 juin 2022): 62‑67, https://doi.org/10.1016/j.etiqe.2022.04.001.
[5] LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000227015/
[6] LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000446240/ et LOI n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253

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